L’Allemagne va restituer la statue de la déesse volée au peuple Nso du Cameroun

Il y a environ trois décennies, le professeur Bongasu Tanla Kishani, membre de la tribu Nso du nord-ouest du Cameroun, découvrait au musée ethnologique de Dahlem à Berlin, un objet sacré de son peuple que ceux-ci croyaient perdu.

Au-delà de son importance ethnologique et culturelle, la statue mythique connue sous le nom de Ngonnso’, qui était perdue depuis 120 ans, est la statue de la fondatrice et première reine-mère du royaume Nso. De plus, Ngonnso est encore aujourd’hui très vénérée comme une déesse par son peuple.

Depuis cette rencontre fortuite, le peuple Nso n’a cessé de réclamer le rapatriement de son bien volé pendant plus de vingt ans, mais en vain. Aujourd’hui finalement, grâce à un changement de stratégie : une campagne sur les réseaux sociaux lancée par Njobati Sylvie, qui s’identifie comme membre du peuple Nso du Cameroun et qui a lancé en mai 2021 la campagne #BringBackNgonnso, « Ngonnso », qui signifie littéralement « jeune femme de Nso », sera bientôt rendue à son peuple.

« Notre idée était que la campagne en ligne crée la connexion entre le peuple Nso et les Allemands afin qu’ils se parlent entre eux et non au-dessus de l’autre. Je me suis rendu compte que le peuple Nso ne s’adressait pas directement aux bonnes personnes, ni à une personne en particulier, mais plutôt écrivait des lettres adressées à ‘qui de droit’. C’est donc grâce à Twitter que nous avons pu entrer en contact avec le point focal allemand en charge des collections et du contexte colonial », explique Sylvie.

Le mois dernier, la Fondation du patrimoine culturel prussien (SPK) a permis le retour de Ngonnso’, faisant de ce retour la toute première restitution au Cameroun. La fondation a également indiqué qu’elle allait restituer 23 pièces à la Namibie et éventuellement quelques objets à la Tanzanie.

Sylvie est convaincue que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans le succès de la demande de restitution.

La question de la restitution et comment les biens volés d’Afrique sont arrivés en Europe

Le président de la SPK, Hermann Parzinger, a déclaré que bien que le séjour à Kumbo de Kurt von Pavel, l’officier colonial allemand qui a fait don de la statue au musée ethnologique du musée national de Berlin en 1903, était exempt d’hostilités, il ne faut pas écarter le rapport de force inégal et la violence coloniale structurelle qui prévalaient alors. En effet, l’officier Kurt von Pavel était accompagné de soldats et de porteurs armés dans l’intention d’avoir un effet d’intimidation sur le Nso.

« L’objet est considéré par les Nso comme une divinité mère et a une grande signification spirituelle pour la société d’origine », a déclaré Parzinger dans un communiqué de presse, ajoutant que l’importance d’un objet pour sa société d’origine peut également justifier son retour.

En raison de la nature sacrée de la statue, Ngonso’ n’était jamais destinée à être exposée au public. Mais depuis que l’objet a été emporté du palais royal de Nso, il a été et est toujours exposé dans des musées en Allemagne.

La déesse Nso se trouve actuellement à des milliers de kilomètres de chez elle, dans le lieu d’exposition du Humboldt Forum, un grand musée controversé situé au cœur de Berlin, qui présente une vaste collection d’art non européen.

La place légitime de Ngonnso’ n’est ni en Allemagne ni ailleurs en Europe. Tout comme d’autres objets et articles de valeur de toute l’Afrique, ils ont été volés ou obtenus par des pays européens dans le cadre de rapports de force inégaux pendant l’ère coloniale (lien en anglais). Des milliers de ces objets sont restés dans les musées européens malgré les nombreux appels à la restitution lancés par leurs propriétaires légitimes sur tout le continent africain. Quelques-uns seulement, comme les bronzes du Bénin, ont obtenu le feu vert pour être rapatriés.

#BringBackNgonnso et comment le peuple Nso s’est battu pour récupérer Ngonnso’

Avec un téléphone et une connexion Internet, Njobati Sylvie, 31 ans, qui s’identifie comme appartenant au peuple Nso du Cameroun, a lancé la campagne #BringBackNgonnso en mai 2021 depuis cette nation d’Afrique centrale. La campagne en ligne a été conçue et gérée par l’organisation locale de Sylvie, la Sysy House of Fame, dans un besoin de restructuration. Elle s’est appuyée sur l’amplification des voix du peuple Nso par le biais d’outils multimédias dans le but de rendre clair et d’humaniser leur situation.

« Nous avons utilisé Twitter pour la communauté allemande parce qu’ils sont surtout sur ce réseau. Comme il était également nécessaire de sensibiliser le peuple Nso, les Camerounais.e.s et l’Afrique dans son ensemble, nous nous sommes concentrés sur Facebook », explique-t-elle.

Elle ajoute que grâce à Twitter, ils ont également pu atteindre d’autres parties prenantes en Allemagne. « Il y a eu suffisamment de pression de la part des gens, notamment la société civile allemande, sur les réseaux sociaux. Il ne s’agissait pas seulement du post mais de l’utilisation d’ outils multimédias pour influencer la conversation. »

La campagne acharnée de Sylvie sur les réseaux sociaux n’est pas passée inaperçue. «L’activiste, Mme Sylvie Njobati, et son organisation, la Sysy House of Fame, ont fait un travail formidable dans la lutte pour le retour de Ngonnso’ de 2014 à aujourd’hui. » C’est ce qu’affirme Shey Tadze Adamu, président général de l’Association culturelle et de développement de Nso (NSODA).

Ce n’est que le début de la restitution pour le Cameroun, et après ?

Depuis près de trois décennies, depuis la découverte de Ngonnso’, les Nso et leurs sympathisant.e.s ont envisagé plusieurs options de ramener la statue chez eux, y compris la voler au musée allemand ou organiser son prêt sur une certaine période. De même, les appels à la restitution lancés par le chef suprême, l’élite de Nso, le NSODA et des activistes comme Sheey Shiynyuy Gad et Joyce Yaya Sah n’ont donné lieu à aucune réaction concrète.

Le succès de la campagne #BringBackNgonnso montre que les réseaux sociaux sont prometteurs pour la restitution des objets volés en Afrique, alors même que le peuple de Nso est toujours à la recherche du chapeau rituel royal (ntara’) de son chef (fon), de tabourets, de colliers, entre autres objets.

Le retour imminent de Ngonnso’ a été salué par la communauté de Nso.

« Cette nouvelle, comme vous le savez, nous apporte de nouveaux espoirs en tant que peuple, sachant les calamités culturelles et socio-économiques ainsi que l’impact psychosocial dont nous avons souffert depuis qu’elle a été enlevée avec d’autres objets sacrés à l’époque coloniale en Allemagne », déclare Sehm Mbinglo I, chef traditionnel du Nso.

A woman stares at a statue

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